Troubles de comportement chez les enfants


Diagnostic

Aborder la phase du diagnostic équivaut sans doute à toucher la pierre angulaire du traitement de l'autisme; cette question englobe une foule d'aspects, et suscite au moins autant d'interrogations.
Le texte suivant se définit, à la base, comme une présentation générale du sujet. Toutefois, les différentes informations exposées dans ce tour d'horizon devraient idéalement être complétées par des lectures additionnelles.

 


1. Importance et conséquences d'un diagnostic précoce

Au départ, les parents sont souvent les premiers à s'inquiéter du comportement de leur bébé : plusieurs réclament même un avis médical dès les premiers mois. Il arrive néanmoins que les spécialistes, par crainte d'une erreur ou pour toute autre raison, se bornent à rassurer les parents. En conséquence, il s'écoule parfois des années avant que le diagnostic d'autisme ne soit posé; ce dernier point paraît encore plus anormal lorsque l'on sait que la plupart des cas peuvent être identifiés vers l'âge de trois ans.
Lorsqu'il y a lieu de s'inquiéter, les parents devraient aussitôt être référés à un psychiatre ou à un neurologue. La triple opération dépistage-évaluation-diagnostic est à la fois nécessaire et possible : il faut cependant que les médecins et les différents spécialistes soient en mesure de suspecter le trouble dès ses premières manifestations, de l'évaluer et de poser le diagnostic sans plus attendre.
Une réponse plus précoce représente un gain de temps précieux pour les parents : pour se remettre du choc, d'abord, mais aussi pour découvrir les besoins réels de l'enfant et les différentes ressources disponibles. Le diagnostic constitue d'ailleurs une porte d'accès à des mesures administratives (aide financière, gardiennage, services de répits, etc.) qui peuvent parfois être d'un grand secours.
À tous les niveaux, un diagnostic précoce influence donc la situation de l'enfant et de sa famille. Une fois le bilan de la condition défini, on peut en effet adapter l'apprentissage aux besoins de la personne autiste : on commence alors plus vite à combler le fossé qui la sépare des autres enfants. L'âge de l'élève influence ses chances de progression; sans une intervention adéquate, les écarts et les dommages neurologiques préalables risquent de s'accentuer et de paraître de plus en plus avec le temps. Les intervenants du domaine de l'autisme constatent d'ailleurs des différences notables entre les enfants soumis à un programme éducatif individualisé et ceux qui ne reçoivent pas ce type de services.
Ainsi, tout est relié : un diagnostic précoce implique d'importantes retombées et ce, au niveau des possibilités d'intervention, des services disponibles, et plus encore...

 

2. Les critères de diagnostic en fonction de l'âge

Le diagnostic se fonde actuellement sur l'observation de plusieurs symptômes émergeant chez un même individu. Il existe des classifications établies définissant ces critères, tels que le DSM-IV et le CIM-10. Ces systèmes présentent toutefois certaines différences en regard à leurs définitions respectives de l'autisme. À titre d'exemple, le CIM-10 désigne actuellement l'affection comme un trouble du développement psychologique, alors que la définition présentée par le DSM-IV s'en tient, pour sa part, à "trouble du développement".
On comprendra que le diagnostic est susceptible d'être influencé par un grand nombre de facteurs, tels que la compétence et l'expérience du clinicien, les courants terminologiques du moment, etc. Quel que soit l'âge de la personne, l'autisme se révèle toutefois par un développement social déviant, des problèmes de communication et des comportements stéréotypés. Ces symptômes paraîtront sous différentes formes en fonction de nombreux facteurs, parmi lesquels figurent les stades de développement.
Chez le bébé, les premiers signes de l'autisme se caractérisent souvent par un désintérêt par rapport à l'entourage. Cette apparente indifférence peut s'accompagner d'attitudes particulières comme des balancements, des répétitions de gestes, un manque de réactions corporelles, une aversion pour le changement, etc. Ces symptômes varieront en intensité selon les personnes, tout comme l'apparition de désordres connexes (réactions visuelles anormales, problèmes de sommeil, d'alimentation...).
Du côté de l'enfant âgé de un à quatre ans, on remarquera régulièrement les particularités suivantes : une préférence pour la solitude, des difficultés à imiter les autres, des retards de développement du langage, un ton de voix atypique. À cela peuvent s'ajouter des fixations sur certaines parties d'objets, un attachement à la routine, des mouvements inhabituels, des phobies, etc. Chez certains, l'entraînement à la propreté pose également problème.
Quant aux autistes de quatre ans et plus, ils présentent un plus large spectre de symptômes, dont certains évoquent ceux des enfants plus jeunes. Ces sujets plus âgés montrent notamment des difficultés à imiter les gens, à percevoir leurs sentiments ou même l'existence de ceux-ci. Ils peuvent aussi avoir tendance à traiter les autres personnes comme des objets. Leur langage expressif est, pour sa part, souvent limité; il peut y avoir de la répétition, des préoccupations restreintes, une fascination pour certaines choses, un attachement à des rituels, etc.

 

3. Les tests préliminaires et l'évaluation médicale

Avant de procéder à des tests sur un enfant susceptible d'être autiste, les spécialistes constatent, à la base, "un retard global de développement". Dans un premier temps, l'électroencéphalogramme (EEG) et l'imagerie par résonance magnétique (IRM) leur permettent de visualiser le cerveau afin de déceler des anomalies potentielles. On essaie de déterminer, par exemple, si l'enfant souffre d'épilepsie. À ce stade, on procède par élimination dans le but d'écarter une à une les différentes possibilités.
L'autisme doit effectivement être différencié des autres troubles du développement identifiés par le DSM-IV tels que le syndrome de Rett, le trouble désintégratif de l'enfance et le syndrome d'Asperger. Selon les cas, l'autisme peut aussi être pris à tort pour un retard mental, un problème d'apprentissage, un mutisme sélectif, un trouble du langage réceptif et expressif, et bien d'autres. Précisons qu'un nombre considérable de maladies présentent d'ailleurs des traits autistiques : la sclérose tubéreuse de Bourneville, le syndrome de l'X fragile, les épilepsies temporales, etc. Dans le même ordre d'idées, diverses formes d'allergies graves et des troubles métaboliques tels que le blocage de certains types d'enzymes peuvent engendrer, s'ils ne sont pas dépistés, des symptômes propres à l'autisme profond. Beaucoup d'anomalies doivent donc être suspectées.
Un bilan médical très complet (clinique, biochimique, génétique, immunologique, etc.) écarte toutefois certaines de ces possibilités et peut donner lieu à un diagnostic très précis. Parfois, l'enfant subira aussi des tests inhabituels au cours du processus en raison des antécédents médicaux propres à sa famille.
Une fois les tests médicaux effectués, on passe ensuite à la mesure des potentiels évoqués. Par des stimulations sensorielles, on tente de vérifier si le patient entend et voit normalement, on étudie sa vitesse de réaction, etc. Notons que les profondes différences entre les divers cas d'autisme doivent aussi être prises en considération. À ce titre, des examens plus approfondis sont souhaitables pour constituer un profil réaliste de l'enfant. La prochaine partie traitera des instruments d'évaluation conçus à cet effet.

 

4. Les instruments d'évaluation psychologique

Les systèmes de classification générale dressent une liste des caractéristiques récurrentes chez les autistes. Par contre, ils ne sont guère conçus pour la détection des particularités de chaque enfant, ou pour quantifier les différents critères observables.
À ces fins, sur la base des classifications reconnues, plusieurs échelles diagnostiques proposent un bilan généralement fiable. Bien qu'il en existe un grand nombre, le CARS et l'ADI-R figurent parmi les principaux instruments.
Un des plus connus est sans doute le CARS (Childhood Autism Rating Scale). Ce procédé conduit, à la suite d'un entretien avec les parents et d'une observation minutieuse de l'enfant, à une évaluation diagnostique : celle-ci indique, avec un degré de probabilité élevé, si l'enfant est autiste ou non. Elle précise également la gravité du handicap, lorsqu'il y a lieu de le faire. Élément non négligeable, l'acceptation presque générale de cet outil facilite aussi la communication entre spécialistes.
Le second outil de diagnostic mentionné, l'ADI-R (Autism Diagnostic Interview Revised) présente une structure plus complexe que le CARS. Pour cette raison, il semble davantage utilisé dans le cadre scientifique qu'à des fins d'utilisation clinique.
Parmi les outils d'investigation disponibles, on retrouve également le questionnaire E-2, établi par le Dr Rimland, dont le but premier est d'aider à poser le diagnostic. Cet instrument cherche à établir si un enfant est susceptible d'être autiste, ou s'il est plutôt victime d'un trouble associé; du coup, on tente aussi d'identifier les divers sous-groupes de la maladie.
Terminons par la mention d'un dernier test diagnostique, le CHAT, qui semble contribuer efficacement à un dépistage précoce de l'autisme. Au même titre que les autres échelles d'évaluation, il peut toutefois trouver des limites dans l'analyse des cas "frontières" entre deux diagnostics possibles.
Du côté de l'évaluation cognitive, le Stanford-Binet, le Bayley et le Griffiths figurent parmi les tests les plus utilisés pour établir un portrait des capacités intellectuelles de l'enfant. Ce type d'évaluation ne fait pas partie du diagnostic, mais aide à définir la situation de la personne autiste. Il en va de même pour l'Échelle québécoise des comportements adaptatifs qui, dans un autre registre, aide à dresser un bilan encore plus complet.
Une fois les évaluations diagnostiques et cognitives complétées, on doit normalement avoir un bon aperçu des capacités de l'enfant et de ses principales particularités. Il est alors possible de concevoir un plan d'intervention adapté à ses besoins et à ceux de sa famille.

 

5. Les voies exploratoires en matière de diagnostic

À ce jour, un des plus grands défis de la recherche sur l'autisme est de déterminer avec certitude qui en est atteint.
En se basant sur l'importance d'un diagnostic précoce, les scientifiques s'affairent à trouver de nouvelles méthodes de dépistage. Aussi amassent-ils, dans le but d'élucider enfin les mystères de la maladie, des données cliniques, génétiques et physiologiques.
Pour sa part, la compréhension de l'étiologie, on le devine, est inhérente à l'élaboration de méthodes de diagnostic efficaces. Jusqu'à présent, on présume l'existence de dysfonctionnements de différentes aires cérébrales aux niveaux des lobes temporaux, sièges du langage et de la mémoire. Des présomptions convergent aussi vers les lobes frontaux, liés à la motricité et l'attention, le tronc cérébral, responsable de la modulation sensorielle, et le cervelet, régulateur de l'activité.
La neuro-imagerie constitue sans doute l'une des grandes voies exploratoires pouvant induire de nouvelles formes de diagnostic. Grâce aux nouvelles techniques qu'elle propose (telle que l'imagerie par résonance magnétique, la tomographie, etc.), il est de plus en plus possible de lever le voile sur les fonctionnements neurologiques spécifiques aux autistes. La compréhension de la chimie de leur cerveau influerait subséquemment sur le diagnostic de la maladie, mais aussi sur son traitement...
D'après une étude récente, au moins une différence anatomique aurait d'ailleurs été repérée dans le cerveau d'autistes. La zone située autour de l'amygdale du système nerveux central présenterait certaines anomalies, et d'autres particularités auraient également été suggérées. Les recherches se poursuivent donc en ce sens.
Parallèlement, un domaine qui suscite un vif intérêt chez les chercheurs consiste en la détection de marqueurs génétiques et biologiques de l'autisme. En effet, des études en cours visent à mettre en évidence le lien entre les troubles autistiques et certaines caractéristiques génétiques ou métaboliques. Ces découvertes pourraient conduire à des diagnostics efficaces; elles élucideraient aussi certaines questions relatives à d'autres affections telles que le syndrome Gilles de la Tourette, la schizophrénie, etc.
À l'heure actuelle, on parle d'autre part de particularités motrices des autistes qu'il serait possible de détecter dès le plus jeune âge... Bien qu'une telle piste reste à confirmer, à l'image de plusieurs autres, elle suggère la mise au point éventuelle de nouvelles façons de diagnostiquer la maladie.

 

6. Conclusion

Ainsi qu'on peut le constater, le diagnostic est une étape qui englobe une foule de considérations pratiques et de conséquences.
En fonction des systèmes de classification, des nombreux tests et des instruments de mesure conçus à l'intention des autistes, on tente d'abord de déterminer s'ils souffrent de cette maladie ou d'un syndrome apparenté. Idéalement, on doit ensuite chercher à établir un portrait individuel : chaque cas diffère, et c'est en connaissant les forces et les faiblesses de chaque enfant qu'on pourra intervenir de façon à favoriser son apprentissage.
En somme, un diagnostic juste, obtenu rapidement, influence grandement le destin de la personne autiste et de sa famille. Cette confirmation, sur le plan administratif ou autre, donne accès à des ressources de tout ordre mais, plus encore, elle peut aussi constituer le point de départ d'une intervention profitable.